
Le masque est un être vivant qui a son langage, qui permet un dialogue entre les Hommes et les dieux ; les vivants et les esprits. Pilier central de la religion traditionnelle au Burkina Faso, il célèbre les grands événements de la vie rituelle comme les festivités. Intervenant aux occasions les plus importantes de la vie sociale et communautaires : initiations, funérailles, purification du village ou encore simples fêtes de réjouissances, les masques sont de toutes les manifestations.
Omniprésents et omnipotents, ces êtres d’un autre monde se déclinent par une palette de formes, de couleurs et de matières inépuisables allant du simple amas de feuilles ou de fibres à de géants de plusieurs mètres de haut en passant par des personnages à la morphologie complexe, aux visages de bois expressifs.
Dans la commune de Bagassi, province des Balé, au Burkina Faso, il existe plusieurs sortes de masques. Les masques en feuilles (бiєnu), les masques en bois (hõbƆ), les masques à fibres (nwõbє), et aussi les masques géants (n’nєheбƆnu). Et chaque masque a sa période et son occasion d’apparition puisqu’ils n’apparaissent pas tous au même moment. Intéressons-nous au masque en feuille ou бiєnu.
A Virwè par exemple (village situé dans la commune de Bagassi), seul le quartier Lamien détient ce masque en feuilles. Chaque année, avant de débuter les travaux hivernals, les anciens consultent le buisson protecteur du quartier pour l’implorer afin que les récoltent soient bonnes. Après l’accord du fétiche, ils peuvent commencer les travaux champêtres. Pendant la saison sèche, la danse des masques est organisée. Cela est de coutume. Les anciens du quartier immolent un poulet sur le buisson avant de désigner les jeunes qui porteront le masque ce jour-là. Pour constituer le masque, les jeunes du village se rendent très tard la nuit, dans la brousse afin « d’habiller » de feuilles des pieds à la tête, celui qui a été désigné. Les choses se passent de sorte qu’au levée du jour, lorsque le soleil apparaît à l’horizon, le masque est prêt à apparaître. Il faut noter par ailleurs que celui qui porte le masque est nécessairement un grand danseur. Ce qui fait qu’une personne désignée peut décliner poliment l’offre si elle ne se sent pas capable de remplir la mission qui lui est assignée.
Après une longue journée de danse et de promenade, les feuilles sont ôtées des danseurs au crépuscule et jetées obligatoirement dans le buisson. Et le même rite est repris jusqu’au troisième jour, jour de fin des danses et donc de l’apparition des masques. Très tôt le quatrième jour, les vieux immolent un coq dans le buisson et regardent certaines parties de l’animal. Si elles sont propres (blanches), cela signifie que les ancêtres ont accepté la fin des danses et ont aussi accepté de les soutenir afin que les prochaines récoltes soient bonnes. Si elles sont sales (noires), cela signifie que les ancêtres n’ont pas accepté leur requête. Ils doivent donc consulter un devin pour connaître la raison du refus.
Les masques en feuilles, бiєnu, ont différentes occasions d’apparitions. Ordinairement, chaque année, la danse des masques est organisée pendant la saison sèche. Cela se fait chaque fois ‘’le propriétaire’’ du masque estime que les récoltes ont été bonnes et qu’il a les moyens d’accueillir les nombreux étrangers qui viendront. Car pendant les trois jours de danse, de la boisson locale et aussi de la nourriture à satiété sont à la disposition de ces étrangers.
Les masques apparaissent également lorsqu’un vieux, ‘’propriétaire’’ du masque, décédé. En ce cas, quelle que soit la période, les masques doivent danser pour lui rendre hommage pendant trois jours. Enfin, les masques peuvent apparaître à l’occasion du décès d’une des filles ‘’des propriétaires’’ du masque qui s’est mariée dans un autre village. Dans ce cas, ce sont les parents de la défunte qui demande à ce qu’on fasse apparaître les masques. Cela se fait parce que ce sont les filles ‘’des propriétaires’’ qui, en plus des griots, chantent pour les masques lorsque ceux-ci dansent. Alors, lorsqu’une de ces filles meurt, c’est une manière de la remercier pour les services qu’elle a rendu à la communauté des masques.
Le refus de faire apparaître les masques à ces trois occasions peut causer un malheur dans la famille si des sacrifices ne sont pas immédiatement faits.
Publié le 15 décembre 2015 par Martin Kaba