PLONGÉE DANS LA CASE D’UN FÉTICHEUR EN PAYS LOBI

les lobis,une culture à part…

Les Lobi habitent une région située dans le sud du pays, près de Gaoua. Pendant nos quelques jours passés là-bas, nous avons pu comprendre quelques-unes des nombreuses particularités de leur culture. En voici un petit aperçu impressionniste Parler des Lobi est une simplification parce qu’ils regroupent en réalité sept ethnies : Lobi, Gan, Dagara, Birifor, Pougouli, Djan et Thuni. Si elles ont des traditions proches, chacune parle un dialecte différent La société Lobi est une société matrilinéaire. Les Lobi considèrent en effet qu’une femme est toujours la mère de ses enfants mais que son mari n’est pas forcément son père… Face à cette logique implacable, c’est la mère qui transmet son nom de famille à l’enfant et le frère de la mère a plus de droit sur l’enfant que son mari. Le nom donné aux enfants Lobi à leur naissance dépend de leur sexe et de leur place dans la fratrie. Ainsi, le premier enfant s’appelle Sié pour un garçon et Yéni pour une fille. Le deuxième sera Sansan ou Óhó. Le troisième Ollo ou Ini et ainsi de suite. Ce n’est qu’au moment de l’initiation que les Lobi acquièrent leur nom définitif.  Cette cérémonie a lieu tous les sept ans et concerne autant les hommes que les femmes. Elle implique des épreuves douloureuses mais leur contenu est tenu secret.Les Lobi sont animistes et vouent un vrai culte à leurs ancêtres. Ainsi, leur vie est rythmée par de nombreuses cérémonies. En cas de décès par exemple, un protocole rigoureux s’applique et implique notamment de découvrir les causes du décès. En effet, les Lobi considèrent que celui-ci peut résulter d’un sort jeté par une personne mauvaise et qui doit dans ce cas être punie. Les Lobi étaient connus pour être des guerriers. Leur architecture s’en ressent. Les plafonds des maisons sont ainsi très bas pour empêcher les ennemis d’entrer en courant. De mêmes, les habitations sont toujours espacées, avec une distance de sécurité qui correspond à la portée d’un arc. Et oui, l’ennemi peut être votre voisin de palier donc mieux vaut éviter d’être atteint par une flèche dans son chez-soi… Alors, vous commencez à comprendre à quel point les Lobi ont une culture bien éloignée de nos conceptions occidentales ? Et bien, allons voir à présent de plus près à quoi ressemble la case d’un féticheur…

Le féticheur, santé, business et sacrifices

Nous sommes près du village de Kampti. Mais quittons à présent le goudron pour nous engager dans une piste rouge défoncée. Nous dépassons plusieurs habitations rudimentaires. Les enfants nous regardent avec de grands yeux étonnés. Après quelques minutes, nous arrivons dans une vaste cour traditionnelle Lobi entourée par des constructions en terre. Des dizaines d’enfants, plus ou moins habillés ou plus ou moins nus, y jouent dans un joyeux bazar. Quelques femmes paraissent à l’ombre d’un arbre, dont certaines les seins à l’air. Et là, tout au fond, un vieux mâchonne un morceau de pain pendant qu’un couple bien habillé lui parle avec déférence. C’est le féticheur et ces personnes, qui tranchent avec le paysage environnant, sont venus le consulter Car la palette des “services” proposée par le féticheur est vaste ! Il exerce les fonctions de médecin traditionnel et utilise les plantes locales, ainsi qu’un zeste de magie, pour soigner. Mais c’est aussi un vecteur entre le monde des vivants et le monde des esprits. Grâce à lui, les gens peuvent communiquer avec les ancêtres pour leur demander des conseils ou que leurs souhaits se réalisent. Fertilité, réussite aux examens, promotion dans le travail ou réussite d’un business, le spectre des demandes est large .Le féticheur ne parlant pas français, c’est son fils (qui exercera bientôt les fonctions de son père) qui nous accompagne. A l’extérieur, une vingtaine de fétiches font face à la maison. C’est ici que les médicaments, potions et décoctions en tout genre sont préparés La maison traditionnelle Lobi est faite de terre. Pour y pénétrer, nous devons nous baisser pour franchir la petite ouverture qui fait office de porte . Une fois à l’intérieur, on ne voit rien. Tout est noir. Après le soleil éclatant de l’extérieur, il faut quelques minutes pour parvenir à distinguer les contours. Nous sommes à présent dans une sorte de cuisine. Une femme donne le sein à son enfant. Une autre prépare la nourriture. Des plats s’entassent dans un coin de la pièce. Les murs sont complètement noircis par la fumée du feu utilisé pour cuisiner et qui embaume l’air ambiant.

Nous avançons à tâtons, courbés en deux (les plafonds étant extrêmement bas). De petites pièces se suivent. Enfin, notre guide nous fait signe de grimper quelques marches (à ce stade nous sommes quasiment à quatre pattes), de nous déchausser et de le suivre dans une petite alcôve. Nous nous asseyons tant bien que mal sur les pierres qu’il nous désigne, au milieu de plumes de poules et de gouttelettes de sang séché. Face à nous, les hôtes du lieu nous observent : des dizaines de fétiches de toutes tailles et de différents matériaux (terre, bronze, pierre, bois). C’est ici que le féticheur consulte, communique avec les esprits et au besoin procède à des sacrifices. En effet, selon que le poulet sacrifié (ou bien, c’est selon, le cochon ou le mouton) tombe sur le dos ou sur le ventre, les esprits auront validé (ou invalidé) le souhait d’une personne ou sa guérison . Mais place à une seconde pièce dédiée aux fétiches. Des rayons de soleil pénètrent dans cet antre sombre et chargé de mysticisme. Les plumes volent dans tous les sens. A nos pieds se trouvent des dizaines de cauris (coquillages) qui étaient autrefois utilisés comme monnaie et qui servent aujourd’hui pour les cérémonies. Plus loin, une petite natte divinatoire qui permet au féticheur de communiquer avec les esprits.

En ressortant de la maison, la lumière crue de midi nous éblouit. Les cris et les rires des enfants fusent. A quelques mètres de là, le vieux féticheur mâchouille à présent une mangue.Nous glissons quelques billets dans un pot, sous l’autel des fétiches.Deux nouveaux clients arrivent et saluent le vieux avec déférence. Mais regardez bien, ils ne sont pas venus les mains vides. Un peu plus loin, un cochon est attaché, prêt pour la prochaine cérémonie. Ainsi va la vie en pays Lobi…

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